Portraits Oubliés

Ouvrages

Feldmann Hans-Peter, Voyeur, Cologne, Bucchandlung Walther König, 2011.

Choisir de commenter l’ouvrage réalisé par l’artiste que je présente peut sembler inutile ou facile (surtout que celui-ci ne contient aucun texte, si ce n’est les remerciements). Mais cela me semblait important au contraire. Car consulter cet ouvrage, j’entends par là, prendre le temps de regarder chaque page, de le lire, de le feuilleter réellement, m’a permis de me faire ma propre opinion sur cet ouvrage et par là, de mieux comprendre ce dont les articles me parlaient par rapport au travail de Feldmann.
Car entre l’image que l’on peut se faire à partir des quelques photos glanées sur internet et celle que l’on peut se faire en consultant le livre, il y a une grande différence. Avant de consulter l’ouvrage, l’image que j’avais de « Voyeur », c’était ces quelques pages sur internet. C’était intéressant d’avoir l’aspect du livre et la disposition des images sur les pages. Mais les quelques pages photographiées et présentées sur internet donnaient une image « réduite » de l’ouvrage. Ils essayaient généralement de coller au titre « Voyeur » en montrant une page avec un cliché plus étonnant, perturbant ou gênant, alors que le nom « Voyeur » ne prend son sens que dans l’ensemble de ces images, sur ces 266 pages (de l’édition consultée).
Quand on prend la peine, ou le plaisir, de consulter cet ouvrage, ces images dérangeantes ne sont plus la seule chose que l’on peut voir, loin de là. On se rend compte de la profusion d’images, de registres très différents et par là, de la possibilité de lectures multiples. Lorsque l’on tourne ainsi les pages, on ne sait pas toujours où poser notre regard. Un peu comme dans la vie de tous les jours, on s’arrêtera sur l’une ou l’autre image plus facilement. Des photos nous étonnent ; d’autres nous font rire ; certaines nous touchent ; et d’autres, on les passe sans même se souvenir de les avoir vues. Pour beaucoup, on pourra relire et encore relire pour toujours voir notre regard se poser sur une image qui nous semble nouvelle.
Il est ainsi possible à chacun de faire sa lecture, en fonction de l’image sur laquelle son regard s’arrêtera, en fonction de ce que chaque image dit à nos yeux.
Bêtement, quand je tourne les pages et que je vois un petit chien blanc, je pense à ma sœur. Une autre personne n’aurait pas de raison de s’arrêter sur ce chien blanc.
Consulter cet ouvrage m’a permis de mieux comprendre l’espace que Hans-Perter Feldmann laissait à l’interprétation du lecteur. Il m’a aussi permis de me faire ma propre idée de ce titre « Voyeur » et de l’interpréter, personnellement, plus du tout comme quelque chose de négatif.



Feldmann Hans-Peter, 272 pages, Fundació Antoni Tàpies (Barcelone), Centre national de la photographie (Paris), Fotomuseum Winterthur (Winterthur) and Museum Ludwig (Cologne), 2001.

Une seconde fois, c’est un livre de Hans-Peter Feldmann. Mais pas n’importe lequel. Et au contraire de son homonyme qui ne contenait aucun texte, celui-ci était une mine d’informations sur le travail de l’artiste (et aussi d’images). C’est pour cela qu’il me fut conseillé par Mme Mayeur, qui me prêta généreusement ce livre et qui m’en fit une explication.
Il faut d’abord reconnaitre à l’ouvrage sa profusion d’informations. Un premier texte permet de parcourir l’œuvre de Feldmann dans un ordre chronologique avec des analyses très complètes. C’est d’abord l’occasion d’avoir une vision claire de son travail, des différentes « étapes » de sa vie, et aussi de ses différentes activités (et de découvrir de nouvelles choses), regroupés dans un seul texte et non éparses dans différentes références.
Ce livre est aussi la confirmation que Feldmann aime les images, peu le texte, mais malheureusement, il est bien obligé d’y en avoir. Il veut donc un texte qui soit simple. N’aimant pas commenter son travail, ces textes sont donc écrits par d’autres personnes ; les rares propos que l’on peut entendre de lui sont des retranscriptions d’une conférence qu’il a donnée ou des interviews.
Mais ce n’est pas tout : en feuilletant le livre, on peut s’étonner du style de certaines pages qui dénotent de l’esthétique que l’on peut connaitre de Feldmann. Le livre contient de nombreuses contributions – pour en citer quelques-unes : Nuria Enguita Mayo, David Stroband, Perter Fischli Y David Weiss, Hans Haacke, Régis Durand,… –, parfois sous forme d’images, de textes, parfois même d’échanges épistolaires. Ce livre est donc une mine d’informations.
Il permet par exemple de rencontrer des œuvres qui étaient à peine ou même pas du tout abordées dans d’autres articles. Je pense notamment à tout son travail d’écriture, que je n’aborde pas dans le mémoire mais qui offre une vision plus large et plus complète du travail de Feldmann et de ses intérêts, mais aussi, de ses premiers travaux, des travaux photographiques, d’autres assemblages d’images, des photos de ses jouets, de ses publications… Cela m’a même permis de découvrir des projets que je ne connaissais pas et qui ont été utilisés dans la rédaction de ce mémoire et d’autres que je n’ai pu citer.
C’est l’occasion d’avoir une analyse plus complète aussi de certains projets, d’autres explications ou d’avoir un contexte mieux établi, défini.
C’est aussi, tout simplement, un monde d’images, qu’on peut feuilleter avec beaucoup de plaisir et qui a été très utile dans la rédaction de ce travail.



Barthes Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Mayenne (France), Editions de l’Etoile, Gallimard, Le Seuil, 2016.

En commençant ce mémoire, sur le thème du portrait et de la photographie, il me semblait impossible, même inévitable, de ne pas me pencher sur cet ouvrage.
Ce bouquin a souvent été l’objet de nombreux commentaires, dans différents cours théoriques, même d’analyse. Le « ça a été », le studium, le punctum, l’indice, le référent… ont accompagnés de nombreuses heures de cours. Et cela ne donnait que plus l’envie de me pencher sur cet ouvrage auquel tant de minutes de cours avaient été consacrées, de pouvoir me faire ma propre idée de cet ouvrage, presque monument, il me semblait, dans le paysage littéraire scolaire. Il me semblait donc important de le lire pour me faire ma propre opinion et m’exprimer par mon analyse et non celle fournie par un cours.
Ce livre, de ce format atypique, de ces petits chapitres qui semblent si simples à lire mais se révèlent pleins de profondeur dans la réflexion, m’a énormément intéressée (le nombre de post-il en témoigne, il fallait se limiter pour ne pas en mettre un à chaque page). Après, une lecture ne semble jamais suffisante : quand on arrive au bout, on se demande ce qu’on a retenu, si tout est bien en place et il semble que les éléments ne se remettront en place qu’à force de se plonger dedans. De multiples consultations de ce livre ne seront donc pas inutiles. Malgré cela, j’ai apprécié de pouvoir découvrir ce livre par moi-même, voir ce qui n’était pas dit lors des cours, les chapitres passés sous silence…
Et surtout l’écriture. Cette réflexion, accessible à tous, accommodée avec une réflexion personnelle, rendait la lecture très agréable et facile. Ce plaisir de mêler écriture « sérieuse » et sensibilité me plaisait énormément, en témoignent les premières lignes choisies pour mon mémoire : « J’étais semblable à cet ami qui ne s’était tourné vers la Photo que parce qu’elle lui permettait de photographier son fils. Comme Spectator, je ne m’intéressais à la Photographie que par « sentiment » [..]. ». Et cela n’enlevait rien à la qualité des recherches.
C’est aussi ce qui m’intéressait et qui m’a aidé dans l’écriture de ce mémoire. Cette analyse, par rapport à un sens personnel, par rapport à la lecture qu’on peut en faire, à ce punctum, à ce que l’image peut révéler, …
Cette première lecture m’a semblé très intéressante, j’ai complété avec la lecture de « petite histoire de la photographie » par Walter Benjamin que m’avait conseillé Mme Mayeur (pour une première approche) et des articles du site de l’image sociale. Ces articles m’ont beaucoup intéressée : il me semblait remettre en avant les idées évoquées dans « La chambre claire », à la modernité de nos jours. Mais cela sera pour un autre chapitre.



Frizot Michel e.a., Identités. de disderi au photomaton, Paris, Photo Copies, 1985.

Si j’ai choisi d’évoquer cet ouvrage dans ma bibliographie, c’est parce que c’est le premier ouvrage qui m’a été prêté par rapport à mon mémoire. A l’époque (encore en master 1), le sujet n’était pas encore précisé sur la photo de famille mais bien sur le portrait en général. Sur ceux dont l’Histoire n’avait pas retenu le nom, dit-on. Sur l’utilité de ces visages oubliés dans la masse. Sur ces visages dont l’identité était perdue, oubliée.
Par rapport à ce sujet, Mr Cleempoel me prêta un ouvrage sur le portrait : celui dont il est ici question. Il fut des plus intéressants. Il fut même le sujet d’un compte rendu de lecture pour le cours de philosophie.
Au premier abord, notons que son format atypique était déjà attrayant. Ensuite, en tournant les pages, de nombreux visages nous interpellent, de nombreux regards qui vous regardent sans vraiment vous voir.
Vient le temps du contenu, qui rappelle, dans les premiers instants, les cours sur l’Histoire de la photographie (cours passionnant, quoique trop court). Ensuite, nous entrons dans le vif du sujet, du portrait-carte au portrait Bertillon, de notre relation à la photo, à l’autre, à l’identification… Résumé tout ce qui est abordé dans ce livre serait un peu long et n’évoquerait pas pourquoi je m’y suis attardé plus longtemps (il fit d’ailleurs l’objet d’un second emprunt).
L’un des extraits que j’avais gardé sera plus intéressant qu’un piètre résumé : « Représentation sans fin des mêmes poncifs, mêmes postures dignes, effet de lassitude de ces visages, tentatives de sortir de l’anonymat de la foule pour finalement y revenir. Et pourtant, ces corps figés, ces images fossilés qui échappent à toute approche esthétique, pris dans un défilement ininterrompu, accumulés, s’animent, images des membres d’une société qui se donnent en représentation, s’affichent, pris dans le vertige d’accéder à l’identité. ». Cet enjeu qui est évoqué est aussi celui de la photographie, car à mesure que celle-ci nous donne l’impression d’accéder à une individualité (on se photographie, on regarde son portrait, on se voit), on se retrouve finalement plongé dans un anonymat quand notre photo prend place avec les autres.
Cela rejoint certainement le débat souvent évoqué, avec des points de vue très différents, de : si l’on photographie le banal, si le banal est réellement banal ; si la photo en cherchant à capturer ce qui est exceptionnel ne le rend pas banal ; y-a-t-il encore quelque chose d’exceptionnel, quelque chose qu’on n’aurait pas photographié ? Ces différentes réflexions ont été lues par la suite dans divers articles, magazines, ouvrages. Elles me sont restées en tête et au regard de cette relecture d’extrait, se lient à cette réflexion précédente.



Il me fallait choisir un dernier ouvrage à commenter pour répondre aux consignes très précises nouvellement imposées : cinq ouvrages, seulement cinq, entre deux milles et trois milles signes. Autant je n’ai pas toujours assez de verbe pour expliquer en trois mille signes, autant chaque ouvrage à une raison d’être là. chaque ouvrage à une raison d’être là.

Le numéro « Inventaire » du magazine Esse nous expose comment la collection nous permet de nous approprier le monde, de mieux le comprendre, et présente une multitude d’artistes qui ont cette pratique (et les journalistes eux-mêmes). Cet inventaire d’artistes et de leurs pratiques (où Feldmann est cité) était l’occasion de rencontrer d’autres artistes travaillant des collections de tous types mais aussi de photos, qui n’ont pas été présentés ici mais auraient pu l’être. A l’heure actuelle, j’hésite même si un extrait ne viendra pas étoffer la conclusion, parce que ce n’est qu’un point de vue que j’ai proposé dans ce travail. Il y a d’autres réflexions encore à parcourir et d’autres travaux à rencontrer : « parfois, la revue confronte des portraits d’anonymes, que l’on se prend à aimer sans les connaître », extrait du commentaire sur le travail de documentation céline duval.
Inventaire / Inventories 71, Canada, ESSE, Hiver | Winter 2011.
Mais « Portrait / Visages. 1853-2003 » aurait aussi eu toutes les bonnes raisons d’avoir son commentaire. Même si son sujet reste plus centré sur les collections de la Bnf (Bibliothèque Nationale de France), cela reste malgré tout un ouvrage qui permet de comprendre les enjeux d’une collection, les retards qu’avait pris la constitution des archives photographiques par un désintérêt et bien sûr l’amour du portrait tout simplement.
Aubenas Sylvie et Biroleau Anne, Portraits / Visages. 1853-2003, Gand, Bibliothèque nationale de France et les éditions Gallimard, 2003.
Ou « Petite histoire de la photographie »par Walter Benjamin, petit ouvrage conseillé (d’une très agréable édition notons-le). Si tout ne fait pas l’unanimité, on se prend à apprécier certaines réflexions : « Du visage humain émanait un silence dans lequel reposait le regard ». Des réflexions qui m’ont aussi intéressée : « Cette observation est certainement sans préjugés, audacieuse mais aussi tendre ¬ au sens du mot de Goethe : « Il existe un empirisme tendre, qui s’identifie de la manière la plus intime à l’objet et qui devient de la sorte une véritable théorie. ». A des comparaisons amusantes : « Camille Recht l'a caractérisé dans une belle métaphore : " Le violoniste, dit-il, doit d'abord créer la note, il doit la chercher, la trouver en un éclair, tandis que le pianiste frappe sur une touche : la note retentit. Le peintre comme le photographe ont un instrument à leur disposition. L'usage du dessin et du coloris correspondent à la création du violoniste ; le photographe partage avec le pianiste l'aspect mécanique, soumis à des lois contraignantes auxquelles échappe le violon. ».
Benjamin Walter, Petite histoire de la photographietrad. de l’allemand par Lionel Duvoy], Paris, Editions Allia, 2018.
J’aurais pu aussi faire le commentaire de « La sécurité, la mémoire» de Laurence Hansen-Love. Car même si cet ouvrage ne fut pas découvert par ce travail mais bien par un travail antérieur (mais pas totalement sans lien), il reste une source intéressante sur les questions de mémoire, d’oubli, de pérennité, de numériques… Hansen-Love Laurence, La sécurité La mémoireParis, Aux-concours.com, 2016.



Articles spécialisés

Jonas Irène, « L'interprétation des photographies de famille par la famille », Sociologie de l'Art, 2009/1 (OPuS 14), p. 53-70., [en ligne], https://www.cairn.info/revue-sociologie-de-l-art-2009-1-page-53.html

Le premier article que je présente ici, et qui est l’un des derniers rassemblés, est celui de Jonas Irène sur « L’interprétation des photographies de famille par la famille » (à noter qu’un autre article est utilisé de Jonas Irène sur « La photographie au temps du numérique »). Cet article met en avant qu’il existe un discours ouvert et en continuel changement par rapport à l’interprétation des photos de famille. Malheureusement, cet article s’adresse à l’analyse des photos de famille au sein de la famille. Mais il me fallait – c’était là l’objet de mon mémoire – élargir cette réflexion à un cercle plus large. C’est alors que la réflexion sur l’interrogation de l’image par rapport à notre intimité s’immisça. S’il n’était pas possible d’interroger les photos qu’on trouvait par rapport à ce cercle familial de l’image dont on n’avait aucune connaissance, il était possible de l’interroger par rapport à notre rapport intime à la famille, à ce que nous pensions, à ce que nous étions… Différents articles ont nourri cette réflexion mais je pense que je dois citer les différentes analyses du travail de Feldmann qui mettaient en avant l’interrogation par rapport à nous, par rapport à notre « être ». C’est un peu, peut-être, ce que Roland Barthes évoquait en disant « Je suis le repère de toute photographie, et c’est en cela qu’elle m’induit à m’étonner, en m’adressant la question fondamentale : pourquoi est-ce que je vis ici et maintenant ? ». Car la photo se lit toujours dans le regard d’une personne et non par tout le sens qu’elle portait, qui reste invisible à l’œil nu.



Jonas, Irène. « La photographie de famille au temps du numérique. » Enfances, Familles, Générations, numéro 7, automne 2007, [en ligne], https://www.erudit.org/fr/revues/efg/2007-n7-efg2110/017789ar/

Le second article reprend quelques passages du premier mais aborde surtout des questions sur la pérennité des images. Une réflexion qui me rappelait celle que j’avais abordée dans un travail de philosophie en troisième bachelier, sur la fragilité de nos images numériques et l’excès de mémoire. D’où l’ouvrage, conseillé par Mme Kocheleff, de Laurence Hansen-Love dont des rapprochements à l’article pouvaient se faire dès les premières lignes : « Cet excès de mémoire familiale, ce rêve de « tout photographier », ces fantasmes de « tout garder », cette passion de « tout stocker » ne risqueraient-ils pas alors de conduire à une mémoire saturée ? ». Abordé sous le terme « d’inflation mémorielle » dans le livre de Laurence Hansen-Love au sein de l’histoire, elle est ici abordée au sein de la famille. Une nouvelle fois, des réflexions ont été puisées dans cet article et une tentative de l’étendre à un cercle plus large. Dans cet article, s’abordait plutôt toute la mission de sauvegarder la mémoire dans la famille, en fonction de « la « mémoire constituée », codifiée et léguée par la famille et la « mémoire intime », celle qu’ego se reconnaît subjectivement ». Sinon, cette image sera condamnée à un discours essentiellement scientifique, refusant toute lecture hors cadre familial, car cela est jugé à travers le roman familial et le discours autobiographique. Pourtant, « Un discours qui, par-delà sa simple description, devient une construction où l'on énonce, voire réinvente au fil des générations les personnes et les relations à ces personnes pour se conformer à l'image que l'on tente de projeter en portant un regard rétrospectif sur le passé. ». Cette réflexion ne me semblait pas limitative à la famille. La forme de cet énoncé serait bien sûr différente. Notons aussi une partie intéressante sur l’usage du numérique et du genre, ici de la photographie.



Ensuite, je tiens à aborder le site de André Gunthert, Image sociale, dont les différents articles renouvellent et foisonnent de réflexion sur l’image. Je devrais choisir un article mais je préfère les parcourir, relatant le fil de mes lectures.
Gunthert André, « Les images orphelines de Monsieur Perrot, ou le récit invisible », L’image sociale, 15 août 2018 [en ligne], http://imagesociale.fr/6391 (page consultée le 26 août 2018).
En commençant par « Les images orphelines de Monsieur Perrot, ou le récit invisible », où mon plaisir des expressions gagnait sur mon sérieux avec ces cinq mots « l’image qui vaut mille mots », mon attention était portée sur la rivalité texte / image et l’apparente supériorité de l’image par cette expression. Alors que le fil de la réflexion, nous amène à comprendre qu’une image ne devient pas célèbre par elle-même, c’est le travail d’héroïsation (où aujourd’hui comme Feldmann le montrait dans un travail, la multiplication des images, quand celle-ci se retrouvent imprimées ou diffusées à des millions d’exemplaires).
Gunthert André, « Questions de photophobie », L’image sociale, 7 octobre 2018 [en ligne],http://imagesociale.fr/5058 (page consultée le 30 août 2018).
Complétant pour le plaisir avec un article sur « Questions de photophobie », qui, comme de nombreux articles, nous rabattent les oreilles avec notre excessif besoin de tout photographier au point de ne plus être concentrés sur le présent (pointant particulièrement les touristes), cet article visait à démontrer que l’acte de prise de vue intensifie l’expérience vécue et améliore sensiblement la mémorisation visuelle d’un évènement. La preuve qu’il y a toujours au moins deux points de vue à une réflexion.



Ensuite, pour rentrer plus spécifiquement dans le vif du sujet, deux articles m’ayant particulièrement intéressé étaient celui de « la photo du sapin » et celui de « la photo du vélo ».

Autant dire que vous faites une drôle d’entrée en matière quand vous en discutez à la rentrée avec l’un de vos promoteurs. « J’ai lu un article très intéressant sur « La photo du sapin » ».
Mais sans humour, ce premier article actualisait le « ça a été » de Roland Barthes, que je venais de lire. Expliquant qu’à notre ère numérique, smartphone en main pour tout photographier, nous ne sommes plus dans « ça a été » mais dans « ça va passer », conscients que ce moment ne reviendra pas, que ce sourire qu’on tente de capter sur le vif n’est que passager. On sait que le sapin sera enlevé très bientôt et qu’il faudra attendre l’année suivante, une année de plus. C’est ainsi l’anticipation d’une valeur documentaire de l’image, où viendra s’appuyer le récit oral dans la remémoration en famille. « Ce qui crée le document est le principe de l’absence de la source au moment de la consultation, construction circonstancielle et abstraite qui fait tout le prix de l’enregistrement. ».
Gunthert André, « La photo du sapin », L’image sociale, 28 décembre 2017 [en ligne], http://imagesociale.fr/5426 (page consultée le 30 août 2018).
Cette conscience de l’absence est abordée dans l’article suivant que j’ai consulté « La photo du vélo ».
Comme son nom l’indique, le vélo de son fils a été volé. Dès lors, l’image qu’on conservait dans les photos de famille de ce cadeau est devenu un document, l’archive de cet objet disparu. Cet évènement, cette disparition, font que l’on regarde d’un autre œil cette photo. S’ajoute quelque chose qui n’existait pas au moment de cette photo.
Pour m’être fait voler mon ordinateur il y a quelques mois, je peux témoigner de cet effet. En écrivant ces lignes, en me replongeant dans les documents, dans les photos pris de quelques ouvrages, il se fait que, quand sur ceux-ci, je pouvais apercevoir le clavier de l’ordinateur aujourd’hui disparu, mon regard était différent : de l’amusement de voir le clavier de mon ordinateur à la trace qu’il me reste de celui-ci.
Gunthert André, « La photo du vélo», L’image sociale, 7 janvier 2018 [en ligne],http://imagesociale.fr/5437 (page consultée le 30 août 2018).



Fabrice Flahutez, Itzhak Goldberg et Panayota Volti, « visage et portrait, visage ou portrait », Presses universitaires de Paris Nanterre, 2010, publié sur OpenEdition Books le 20 décembre 2012, 191 p., [en ligne], https://books.openedition.org/pupo/936(page consultée le 10 octobre 2018).

Ce dernier ouvrage que j’ai choisi de présenter pour cette partie est « visage et portrait, visage ou portrait » qui « constitue les Actes de la journée d’études tenue le 16 mai 2007 à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense. ». Celui-ci regroupe donc différents articles retraçant le portrait à des périodes très différentes (le portrait antique, le portrait à la renaissance, à la fin du Moyen-Age…). Tous n’ont pas été directement utilisés dans ce mémoire mais ce parcours sur le portrait à différentes époques se trouvait être intéressant et reflétait aussi l’indétermination de ce mot « portrait » et des significations très différentes qu’il avait pu porter. Il révélait aussi tout simplement l’importance du visage dans l’être total par les nombreuses expressions qui résume l’être par son visage : « un visage inconnu », « mettre un nom sur un visage ». Le chapitre traitait de la ressemblance, mettant en avant parfois « l’impossibilité ontologique de vérifier une ressemblance » mais la mais la volonté que l’on voulait d’y voir l’être représenté.
Il y a aussi eu, dans le texte de Thierry Dufrêne, cet extrait : « le visage d’une femme atteinte par la maladie d’Alzheimer qui s’absente dans le flou photographique, formant un contraste saisissant avec la netteté du napperon qu’elle avait confectionné autrefois de ses mains agiles ». Il se trouve que j’étais persuadée d’avoir vu cette image. Je l’ai cherché toute une après-midi. Il se trouve que cette image était en fait un texte. C’est un peu notre esprit qui nous trompe et surtout l’importance de celui-ci dans la construction des images (idée développée chez Feldmann).



Documents

Feldmann Hans-Peter« Interview : It’s Always About Women », Louisiana Channel, Louisiana Museum of Modern Art, 2015, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=b6TPRJ81DHQ(page consultée le 14 décembre 2018).

Selon le titre de la section, se trouvent des documents moins spécialisés dans la partie qui suit. Disons que certains le sont moins que d’autres et certains plus, comme celui qui suit, qui est une interview de l’artiste Hans-Peter Feldmann par le Louisiana Museum of Modern Art.
Je pense que je n’ai pas besoin de trop m’étaler sur l’intérêt d’écouter une interview de l’artiste qu’on présente. Surtout étant donné que celui-ci écrit peu (pas du tout ?) sur son travail. C’est l’occasion d’entendre de sa bouche, et non de la plume d’autres, ce dont il est question, son travail, ses réflexions, ses pensées.
On entend ainsi son intérêt pour la vie – « Mais l'art est une partie ordinaire de la vie, comme le sport, la nourriture et le sommeil. », – avec différentes comparaisons toujours amusantes, car l’humour est un peu partie intégrante de Feldmann. Il reparle aussi de ces fenêtres sur le monde que les images lui ont ouvertes, l’importance de la collection, l’arrière-plan politique qu’on pouvait peut-être trouver dans ses travaux, la réaction plus directe face aux images, le mensonge par l’image et ce qu’il pense de la reconnaissance qu’il connait aujourd’hui… Dont il s’émerveille tout simplement : « Je m'émerveille de cela. Je m'émerveille vraiment. Je m'émerveille vraiment, et je ne dis pas ça juste pour le dire. ».



Mercier ClémentineHans-Peter Feldmann : « Je ne crois pas à la propriété des objets », Libération, 28 octobre 2016, [en ligne], https://next.liberation.fr/images/2016/10/28/hans-peter-feldmann-je-ne-crois-pas-a-la-propriete-des-objets_1524991(page consultée le 8 décembre 2018).

J’aurais, en temps normal, rarement intégré un texte de presse non spécialisée comme le journal Libération. Mais ce qui fait que je l’ai intégré, c’est qu’il relate un entretien avec l’artiste Hans-Peter Feldmann. Autant je n’aurais pas cité une analyse, autant un entretien m’intéressait.
Surtout que dans cet entretien était abordé, à l’époque où je l’ai lu pour la première fois (en master 1), beaucoup d’œuvres devant lesquels j’avais peu d’informations, si ce n’est mon interprétation personnelle. Je pense notamment à ses grandes photographies de tranche de pain qui sont abordées et que je ne connaissais pas, mais aussi à des créations qui voient leurs significations confirmer, pourrait-on dire, comme les nez de clown sur des peintures, les chaussures à talons de femmes…
Ce qui m’intéressait aussi c’était sa réponse quand on lui demandait pourquoi il ne datait pas ses œuvres : « Quelle date mettre ? Quand j’ai eu l’idée pour la première fois ? Quand je l’ai fait pour la première fois ? Quand je l’ai montré pour la première fois ? Quelle date ? End of the millenium ? Fin de ce siècle ? Fin du siècle dernier ? Même mon nom n’est pas important. Je n’ai pas envie de savoir le nom d’autres artistes. Je n’ai pas envie d’avoir le nom du fabricant de chaussures. Je ne crois pas à la propriété des objets. ». Bien-sûr je ne me serais pas fiée à ce seul texte si d’autres informations ne venaient pas le corroborer.



Goff Hervé Le, « Fabien Breuvart “la photo anonyme ne peut pas être vendue comme de la photo signée” », Photographie, 2014, [en ligne], http://curation.toma.fr/actualites/la-photo-anonyme-ne-peut-pas-etre-vendue-de-la-photo-signee/ consulté le 20 décembre 2018). – Interview en lien :https://photographie.com/article/fabien-breuvart-photo-anonyme-ne-peut-pas-etre-vendue-photo-signee .

Je citerais l’interview de Fabien Breuvart qui est devenu « marchand de photographies anonymes ». d’abord en brocante pour finalement ouvrir sa boutique en 2004. Le concept est assez simple et expliqué dans ces quelques mots. C’est bien un vendeur de photos anonymes, concept qui a du mal à être accepté en France, explique-t-il, où il y a « un interdit moral », où l’on mélange, selon lui, le droit d’auteur avec le droit à l’image et où la question éthique est oubliée, par exemple, quand il s’agit de pub ou de photographes connus. Pourtant, il explique que ces photographies ne sont pas un placement, leur valeur est purement « sensible » et leur prix varie entre cinq et cent trente euros (« encadrés de 150 à 350 euros grand maximum »). C’est quelque chose qu’il cherche à laisser accessible : « La photographie anonyme permet de se constituer une collection à coups de quinze ou trente euros. Quand je lis dans la presse dite sérieuse que l’on peut facilement commencer sa collection avec des photos à "seulement" 5000 euros, cela me surprend. Ou alors la crise ne serait pas la même pour tout le monde… ». Notons que son magasin comprend aussi un studio de portrait : essayez-vous de retrouver la magie des magasins de photo d’autrefois ? » lui demande-t-on.



Vigouroux Yannick« La photo trouvée », la critique.org, 7 février 2017, [en ligne], http://www.lacritique.org/article-la-photo-trouvee(page consulté le 17 décembre 2018).

Dans l’article précédent, était posé la question de s’il pensait réaliser un livre comme « Snapshots » paru chez l'éditeur allemand Hatje-Cantz. Christian Skrein parlait de la photographie anonyme et en 2008, Michel Frizot et Cédric de Veigy ont publié, chez Phaidon, un livre intitulé "La photo trouvée" ». Je me suis donc renseignée sur ces ouvrages, surtout sur le second, étant donné que j’avais lu, pour le mémoire, des articles de Michel Frizot. Malheureusement, je n’ai pas réussi à me procurer ce livre, ni à le consulter dans le délai imparti au mémoire, mais ce n’est que partie remise. Mais malgré tout, j’ai consulté des articles, des critiques, des avis sur cet ouvrage, dont, notamment, la présente référence. Je ne peux confronter celle-ci à ma propre analyse mais l’article reste intéressant. On y aborde cet intérêt nouveau pour cette récupération d’images mais surtout cette pratique de récupération, d’élaboration, « une manière de leur donner une seconde vie », « afin qu’elles fictionnent » et « nous invite à y inventer des histoire »comme Feldmann nous y invitait aussi.
L’auteur de l’article abordait sa propre initiation à cette pratique, ses débuts où il était mal à l’aise, face à cet « amoncellement de rebus, morbide et putride… », à ces photos de famille étalées, exposées au regard et aux intempéries et sa décomplexion.



Paris art« Photo trouvée », [en ligne], http://www.paris-art.com/photo-trouvee/(page consultée le 22 décembre 2018).

Cette dernière référence parle du même ouvrage que celle de l’article précédent (diversifions les sources quand nous ne pouvons avoir accès à la source). Ici était abordée plutôt la promotion du livre. « Michel Frizot et Cédric de Veigy proposent un panorama de près de 300 photos d’amateurs rassemblées depuis vingt ans pour leur qualité émotionnelle ou esthétique. ». Il s’agit d’une présentation de ces deux auteurs. Mais c’est principalement ces deux petits paragraphes qui m’ont fait le garder : « Selon Michel Frizot, « l’homme est bien sûr un être de paroles mais peut-être avant tout un être d’images. Le psychisme fonctionne sur une accumulation d’images, parfois il rencontre des images qui sont le produit de notre vision oculaire. La photographie permet cette rencontre entre le regardeur et son propre fonctionnement psychologique ». ». Tout à fait dans le sujet du mémoire.
Et « Ces clichés d’amateurs se situent à un carrefour anthropologique. Elles dépassent l’enjeu esthétique d’un « beau cadrage » ou d’une « belle lumière ». Le regard soulagé des références liées à la culture de l’image se laisse submerger par l’émotion. On y reconnaît simplement une gestuelle familière en observant cet homme âgé courant après un enfant qui fait ses premiers pas, ou esquisse un sourire en voyant l’expression de ce couple allongé dans l’herbe… ». L’évocation de cette émotion dans ces clichés d’inconnus.